Les thèmes de la peinture furent longtemps prétextes
à immortaliser les puissants de l’époque, et la Nativité
du Christ ne fait pas exception. Mais, par-delà la figure
de Marie, les peintres ont célébré la femme avant la mère.
Pourtant convaincu que l’avenir de la peinture anglaise passait par un retour
au « Grand style » né en France et en Italie, Joshua Reynolds laissa entrevoir,
dans ses portraits et autoportraits, un psychisme plus complexe et le sentiment
que l’art se devrait de frapper l’imagination par la puissance des passions.
Les derniers feux du romantisme anglais furent allumés par un artiste plus
original encore que Bonington, Samuel Palmer. Après sa rencontre avec
le poète William Blake, Samuel Palmer connut une sorte d’état de grâce,
au point que l’on peut aujourd’hui parler de « décennie miraculeuse ».
Comme Turner avant lui, c’est à Venise que Richard Parkes Bonington
comprit que la lumière et la couleur pouvaient devenir le sujet véritable
d’un tableau. Du fait de son éducation en partie française, il représente
une sorte de pont exemplaire entre les romantismes anglais et français.
Un siècle et demi avant Constable ou Turner, Jacob van Ruisdael
imposa une vision panthéistique de la nature. L’inventant plus qu’il
ne la copia, il la chargea d’une poésie et d’une intensité dramatique
qui inspireront les romantiques anglais et les peintres de Barbizon.
Narcisse Díaz de la Peña eut l’idée originale de vendre
ses esquisses réalisées d’après nature et sur le motif à
des prix moins élevés que les tableaux finalisés à l’atelier.
Ainsi fut-il d’un grand soutien pour Millet et Rousseau…
Quinze ans avant Claude Monet, Charles-François Daubigny
se fit aménager une péniche atelier, pour y vivre et travailler.
Ainsi fut-il plus sensible que d’autres peintres aux variations
de l’atmosphère, ainsi fut-il le précurseur des impressionnistes.
La petite chaîne qui monte qui monte comme un escargot asthmatique vient de
passer le cap de bonne espérance des 2 000 abonné(e)s. Merci à toutes et tous.
Théodore Rousseau, Jean-Baptiste Camille Corot,
Charles-François Daubigny ou Jean-François Millet,
ce sont près de cent artistes qui firent de Barbizon
l’un des hauts lieux de la peinture du XIXᵉ siècle.
« Je le répète, écrivit Van Gogh à son frère Théo, Millet
est le père Millet, c’est à dire le guide des jeunes peintres,
en toute chose. En ce qui me concerne, je pense comme
lui et je crois ce qu’il dit, une bonne fois pour toutes. »
Ne vous fiez pas aux apparences, les ruines peintes par Hubert Robert
sont pour beaucoup imaginaires. Nous donnant à voir son monde intérieur,
l’artiste nous promène dans tous les rêves du « siècle des Lumières ».
« Un peintre peint l’apparence des choses et non leur exactitude objective.
En fait il crée une nouvelle apparence des choses », écrivait Kirchner,
qui disait aussi vouloir faire de sa peinture « une confession ardente ».
« Quand vous éprouvez devant certaines œuvres d’art un sentiment
d’anarchie, de violence ou de vulgarité, étudiez-les à fond », écrivait Emil
Nolde. « Alors vous verrez comment l’illogisme devient liberté et la vulgarité
subtilité. Les peintures inoffensives valent rarement quelque chose. »
Der Blaue Reiter connut une existence éphémère, brisée
par la guerre. Mais il est pour les artistes d’aujourd’hui
le modèle parfait d’une réflexion sur leur propre création.
August Macke supportait mal l’influence idéologique
de Kandinsky sur Franz Marc. « Une œuvre d’art est
une parabole, écrivit-il, l’idée personnelle d’un artiste,
une petite chanson sur la beauté des choses. »
« Franz Marc et moi », racontait volontiers Wassily Kandinsky,
« prenions un café sur une terrasse ombragée. Nous aimions
le bleu tous les deux, Marc les chevaux et moi leurs cavaliers.
Le nom Der Blaue Reiter s’est imposé de lui-même… »
« L’art est le seul langage que l’âme puisse entendre »,
écrit Wassily Kandinsky, mais il suffit de voir les versions
de l’Église à Murnau pour deviner que ce fut pour lui lent et
laborieux de créer un langage véritablement libéré du réel.
Si l’on en croit Wassily Kandinsky, c’est parce qu’il était
sorti dans la nature avec sa boîte de couleurs que, revenu
chez lui au crépuscule, il aperçut sur le mur l’un de ses
tableaux accroché à l’envers, et en conçut l’art abstrait…
« J’ai débouché dans le blanc, camarades aviateurs,
voguez à ma suite dans l’espace sans fin. » D’une phrase, Kasimir Malevitch nous ouvre les portes de l’art abstrait.
Piet Mondrian a été accusé de détruire la peinture traditionnelle.
Il n’y a pourtant qu’un vrai peintre pour imaginer qu’on peut, en quelques
lignes et tons, traduire une vision humaniste et cosmique de l’univers.
Procédant par simplifications successives, jusqu’à
dépasser l’objet, Piet Mondrian a créé un art nouveau,
aboutissant à l’une des plus pures visions abstraites.
Devant Le Buveur d’absinthe du distingué Édouard Manet, son vieux
maître Thomas Couture s’écria : « Mon ami, il n’y a ici qu’un seul
buveur d’absinthe, et c’est le peintre qui a produit cette insanité ».
Le scandale fut tel que, par dérision, Édouard Manet
baptisa Partie carrée son fameux Déjeuner sur l’herbe.
Pensez, une femme nue au milieu d’hommes habillés…
Bien qu’à la réflexion, l’objet du scandale, c’est la robe !
Tout l’art d'Edgar Degas semble concentré dans Le Foyer de la Danse à l’Opéra de le rue Le Peletier.
Une simple chaise au premier plan, quelques subtils
jeux de miroirs et tout est dit : l’art, le travail, la vie.
Malgré le succès de l’expo À fleur de peau, le rôle fédérateur
de Henri Fantin-Latour est encore aujourd’hui sous-estimé.
Car cet intimiste a fait le lien entre les peintres romantiques,
réalistes, symbolistes ou impressionnistes qu’il a fréquentés…
On connaît l’intérêt de Marcel Proust pour Monet,
mais le peintre qui l’a le plus fasciné est Whistler.
Au point de s’en être fortement inspiré pour créer
le personnage capital d’Elstir dans La Recherche.
Dans son Histoire naturelle, Pline l’Ancien raconte
qu’Alexandre le Grand tenait le peintre Apelle de Cos
en si haute estime qu’un jour il lui céda sa favorite.
Jean-Baptiste Greuze s’imposa dès son premier tableau.
Ses contes moraux encombrés de sous-entendus grivois
connurent une vogue incroyable, aussi intense que durable.
Il fit pleurer dans les chaumières, mais quel peintre fut-il ?
Y a-t-il un mystère Chardin ? Pourquoi sa peinture,
en apparence si banale, nous trouble-t-elle autant ?
Si secret il y a, où se cache-t-il ? Dans son humble
fidélité à une réalité familière ? Ou bien est-ce que…
Engagé volontaire, le peintre allemand Otto Dix est
envoyé sur le front en Champagne et dans la Somme.
Plusieurs fois blessé, il en revient pacifiste convaincu.
Il va alors utiliser son art pour dénoncer les horreurs
de la guerre, comme on peut le voir avec Der Krieg.
Attention, phénomène ! Helene Schjerfbeck était pétrie de talents,
et peu d’artistes ont connu une aussi remarquable évolution, passant
du naturalisme sensible de ses débuts à un art moins conventionnel,
où l’introspection tient la première place, comme on peut le vérifier
dans la série d’autoportraits où elle se regarde vieillir sans faillir.
Pourquoi Käthe Kollwitz, à laquelle deux musées sont consacrés
en Allemagne, reste-t-elle si méconnue en France ? Une éducation
protestante empreinte d'humanisme et des élans libertaires hérités
de la Révolution française, sa souffrance et son talent singulier ont
produit une œuvre à l’âpreté sociale qui semble encore déranger...
Plus qu’aucun autre artiste peintre de son temps, l’anglais John Martin
a magnifié l’insignifiance de l’homme face à l’immensité de la nature.
Nul mieux que lui a peint fléaux, ouragans, incendies ou cataclysmes.
John Constable a peint comme personne ce vert humide
qui est l'essence même du patrimoine pictural britannique.
Mais c’est le désespoir consécutif à la mort de son épouse
qui fait de lui l’un acteurs majeurs du romantisme anglais.
Après avoir découvert La Charrette de foin de John Constable, Eugène Delacroix transforme Scène des massacres de Scio,
la veille même de sa présentation au Salon. Mais c’est avec La Mort de Sardanapale qu’il va scandaliser ses admirateurs.
Perdus dans leurs songes, murés dans le silence, les personnages
de Caspar David Friedrich nous tournent le dos, nous contraignant
à regarder dans la même direction qu’eux, à partager leur solitude.
Trente ans après la mort de Monet, alors que triomphe l’Abstraction lyrique,
le public découvre ses ultimes toiles, qui semblent annoncer l’art informel.
Pourtant Monet n’a rien d’un abstrait. Devenu presque aveugle, il a renoncé
à l’observation du réel et tente de restituer une nature familière et concrète.
Après la mort tragique de Camille, Monet quitte Vétheuil.
Il transporte son chevalet à Dieppe, à Pourville, à Etretat.
Et c’est là, au spectacle de ce grandiose paysage marin,
que son chagrin peu à peu fait place à l’émerveillement.
Monet, ce n’est qu’un œil, disait Cézanne qui le jalousait.
Pourtant si les cubistes héritiers du maître d’Aix ont mené
la peinture à une impasse, ceux du Havrais sont éternels,
qui tentent de saisir ce qui, par nature, est insaisissable.
Claude Monet attribuait à Jongkind l’éducation de son œil,
mais c’est bien Eugène Boudin qui lui mit le pied à l’étrier.
Accompagnant les deux sur le motif, il tenta sans cesse
de capter la lumière changeante des ciels normands.
Plusieurs années avant que Claude Monet ne s'empare du sujet,
les plages normandes deviennent le terrain de jeu privilégié
du peintre Eugène Boudin. Peignant sur le motif et observant
sans idées préconçues la mer et les élégantes qui s'y reflètent,
c'est à Deauville et Trouville qu'il découvre sa propre lumière.
L’exemplarité de l’impressionnisme tient à la nature même
des interrogations que le mouvement eut à affronter,
au premier rang desquelles le rapport fondamental
entre l’œil du peintre et la lumière du monde.
De temps à autre, Les dessous du visible laisseront
la place à une nouvelle chaîne, l’Histoire en Peinture.
Il ne s’agira pas d’y explorer la peinture, mais de conter
l’histoire et les mythes qui ont inspiré les peintres,
croquis, fresques, toiles ou tableaux à l’appui.