Alors Hérode envoya ses soldats tuer tous les enfants...
Giotto, Poussin, Rubens ont usé des petits corps sanglants.
Où diable Pieter Bruegel a-t-il dissimulé les enfants
dans sa version du Massacre des innocents ?
Imiter, ou dénaturer ? Mimer, ou grimer ?
À l'origine du concept, la mimèsis était l'art
de reproduire mais aussi d'imaginer les choses.
La vocation ultime de l'art ne serait-elle pas
de travestir la nature pour s'affranchir du réel ?
Balthus est devenu célèbre avec ses tableaux de jeunes filles
rêveuses et solitaires, surprises dans des poses équivoques.
Mais n'est-il que cela ? Pourquoi ce trouble et cette mélancolie
que nous ressentons à la vue de ses autres tableaux ?
Le Bain turc d'Ingres met en scène le désir hétérosexuel masculin.
L'art pictural offre dans le même temps une visibilité au désir lesbien.
Alors que l'homosexualité féminine semblait condamnée au silence,
les amours saphiques deviennent un enjeu vers la modernité...
Le Jardin des délices est l’œuvre la plus célèbre
mais aussi la plus énigmatique de Jérôme Bosch.
Deux tableaux, La Nef des fous et L’Escamoteur,
peuvent nous aider à comprendre le triptyque.
La femme et la peinture sont les deux obsessions de Picasso.
Refusant de renoncer au corps de la femme, il renonce à l'abstraction.
Laissant libre cours à sa sensualité, il peint la libido universelle.
Picasso aimait afficher sa rivalité avec Matisse,
mais le peintre qu'il jalousa réellement fut Juan Gris.
«Comment obtiens-tu cette lumière?» lui demandait-il.
«La térébenthine» répondait Gris malicieusement.
Après Maisons à l'Estaque et Les Demoiselles,
Braque pense et peint de concert avec Picasso.
Qui s'attribue pourtant la paternité des idées.
Alors, qui en réalité a « inventé » le cubisme ?
Qu'est-ce que le réel, qu'est-ce que l'imaginaire ?
Peut-on définir un espace entre l'un et l'autre ?
Si oui, quelles sont ses mensurations (je plaisante) ?
Artaud, Freud, Hegel, Lacan ou Proust répondent...
Ni faux-semblant, ni paravent, ni dessous,
les courbes de la femme nue et c’est tout.
Soyez, puisqu'un fin Boucher le professe,
sûrs que le meilleur morceau, c’est la…
Louise Élisabeth Vigée Le Brun n'a pas quinze ans
quand elle peint en virtuose le portrait de sa mère.
Le succès du tableau lui permet dans la foulée
de s'établir comme peintre professionnelle...
Pompadour, rocaille, rococo, ces termes servent
encore aujourd'hui à dénigrer l'art du XVIIIe siècle.
Sous la frivolité apparente, le feuillage froissé de
Fragonard annonce pourtant les orages à venir...
Edward Hopper souhaitait que chacun de ses tableaux
soit le plus fidèle possible au quotidien le plus banal.
Pourtant il s'en dégage une solitude diffuse, d'autant
plus poignante que rien d'insolite ne s'y remarque.
Marchant six mois par an pour nourrir sa peinture,
Corot mangeait comme quatre pour nourrir sa marche.
De cet ogre, avide de nature, de peinture et de liberté,
sont sortis des paysages vaporeux, lumineux, raffinés.
Êtes-vous déjà entrés au Louvre ? Je veux dire, par l’entrée
des artistes ? Le mythique Musée des musées… Beaucoup
d’appelés, très peu d’élus. Mais le plus dur, c’est d’en sortir !
La relation entre Lucian Freud et Francis Bacon fut
pendant trente ans empreinte d'une rivalité féroce,
mais aussi d'admiration et d'affection, voire d'amour.
La liberté expressive avec laquelle Bacon utilisait la
peinture pour suggérer émotion, tension ou anxiété
fut pour Freud un modèle de création et de vie.
Petit-fils de Sigmund Freud, Lucian Freud a peint
des nus transgressifs, brutaux, aux attitudes crues.
Face à l'impudence apparente des corps, le regard
éprouve la douloureuse condition de l'humain exposé.
C'est en visitant adolescent une expo Picasso à Paris que Francis Bacon
décide de devenir peintre. Du génie espagnol, il reprend le procédé de
simultanéité des visages et en extrait peu à peu sa manière personnelle,
détruisant la plus grande partie de ses toiles après les avoir exécutées.
En 1937, le régime nazi organise à Munich une exposition « d’art dégénéré »,
censée représenter la « production artistique des bolcheviks et des juifs ».
Les visiteurs sont invités à confronter leurs œuvres avec celles de malades mentaux,
de façon à mettre en évidence la parenté entre les deux et la perversité des artistes...
Loin des préoccupations métaphysiques chères aux
artistes de culture germanique, Oskar Kokoschka a peint
les désirs premiers, la peur bleue de l'homme devant
la femme et le désespoir que cette peur lui inspire.
Le voyeurisme en apparence glacé de Schiele
masque assez mal une empathie douloureuse.
Il est par ses corps dévastés le témoin affligé
d'un effondrement qui nous emporte avec lui.
Les sécessionnistes viennois ont peint ce qu’on ne
devait pas peindre : les frôlements, les enlacements,
les baisers, les douceurs, les violences, les rêves érotiques.
Refusant de désamorcer la charge sexuelle de leur peinture,
ils ont montré les corps nus dans une crudité radicale.
Je viens d'acheter la Sainte-Victoire de Cézanne !
annonce Picasso à Kahnweiler d'une voix fiévreuse.
Laquelle ? demande tranquillement le marchand qui
sait qu'il en existe près de quatre-vingts versions.
Mais... l'originale !!! répond le peintre espagnol.
En peignant l'envers noir de la vie humaine, Francisco Goya nous révèle
sa réalité profonde. Cette vision nouvelle qui trouble la frontière entre réel
et imaginaire préfigure Freud, mais fonde aussi la peinture moderne.
Rétif à toute intellectualisation d'une peinture née de son seul instinct,
Jackson Pollock a fait d'un monde ordonné en apparence un monde du chaos,
nettement plus proche sans aucun doute de notre monde réel.
Le Radeau de la Méduse de Théodore Géricault
est LE manifeste du romantisme pictural. Sa vie
tumultueuse et passionnée a fait de ce peintre mort
à trente-deux ans l'archétype de l'artiste romantique.
Les femmes ont des désirs forts, ça ne date pas d'hier
(elles en ont eu bien avant d'avoir le droit de vote).
Merci à la peinture de nous le rappeler pour l'éternité.
On ne connaît de Diego Velázquez ni esquisses ni dessins,
et tout indique qu’il attaquait directement ses toiles avec ses
pinceaux et ses couleurs, desquels a jailli la peinture pure.
« Noli me tangere », dit Jésus ressuscité le dimanche
de Pâques à Marie-Madeleine, en larmes près du tombeau.
« Ne me touche pas, je ne suis pas encore monté vers mon Père ».
Et il aurait pu ajouter : « Je ne suis plus tout à fait un homme,
pas encore un dieu, et là tu me chatouilles ».
Il faut pour protéger le songe le recouvrir d’un voile.
Et quoi de mieux que le voile du silence ?
Si le symbolisme est l’art du silence, des regrets,
Arnold Böcklin est le peintre de la mélancolie.
Jan van Eyck n'a pas qu'inventé la peinture à l'huile,
il a également inventé le portrait psychologique.
Sous la froideur apparente, la passion charnelle...
Avec L'empire des lumières, Magritte n'a pas peint le rêve,
mais plutôt une sorte de prélude à la nuit d'un rêveur.
Il est LE peintre surréaliste car, au lieu de nous imposer
son imaginaire, il nous invite à développer le nôtre.
Qu'est-ce que la beauté ? On ne peut pas prouver la beauté,
écrivait Kant, seulement l'éprouver. Avec lui, Derrida, Diderot,
Freud, Hegel, Kant, Marcuse ou Schopenhauer répondent...
Qu'est-ce que l'art ? Sert-il à quelque chose, et à quoi ?
Qu'est-ce qu'une œuvre d'art ? Qu'est-ce qu'un artiste ?
Bergson, Camus, Hegel, Kant, Platon, Schopenhauer,
Valéry, tous ont tenté de répondre à ces questions.
Parmi les arts, seule la peinture peut vous donner l'illusion
que la pendule est arrêtée. Elle est l'art contemplatif par excellence.
Arrêtez-vous devant un tableau, attendez de voir ce qui se passe...
Si le désir est à la base des violences faites aux femmes,
que dire des peintres qui ont meurtri la chair des hommes ?
Qu'y a-t-il de plus puissant que le désir ?
La mort, et rien d'autre. Elle seule peut excéder le désir.
Sous le voile énigmatique de la beauté, la mort.
La violence faite aux femmes est fréquente dans la peinture.
Elle peut d'ailleurs prendre de multiples et inattendus visages.
Mais, plus encore que ceux des spectateurs, ne révèle-t-elle
pas d'abord les désirs troubles des peintres eux-mêmes ?
Les femmes nous tournent le dos dans l'œuvre de Watteau.
Toutes habillées, ou presque, et pourtant elles sont nues.
Nues parce qu'elles sont fragiles, fragiles parce qu'elles sont nues.
En conséquence de quoi elles nous tournent le dos et s'enfuient.
Sous la robe de soie, la fragile nudité des femmes en fuite...
J. M. W. Turner, dont on a fait un peu abusivement
« le père de la peinture abstraite », n'a pas abouti
à la non-figuration par raisonnement, ni même
par nécessité picturale, mais parce qu'il désirait
mieux traduire le gigantesque opéra de la nature.
En 1886, Van Gogh arrive à Paris, sa palette s'éclaircit.
Mais déjà la couleur, le soleil du sud l'appellent.
En février 1888, il quitte Paris pour Arles.
En juin, il découvre la Méditerranée avec ivresse.